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Le roumain de Moldavie et ses problèmes. Les réflexions « froides » d’Eugenio Coseriu sur un sujet « incendiaire ».

Enviado por   •  27 de Septiembre de 2018  •  7.346 Palabras (30 Páginas)  •  351 Visitas

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4. Dans ce qui suit, nous prenons pour point de départ la distinction établie par Eugenio Coseriu entre unité linguistique vs. unité nationale. Il se propose d’analyser le problème de la langue roumaine parlée en République de Moldavie de trois points de vue : 1. Celui du théoricien du langage, qui explique ce qu’est et comment fonctionne l’unité linguistique, et quel est son rapport avec l’unité nationale ; 2. Celui du linguiste romaniste, qui étudie ce rapport dans le cas du roumain parlé dans toutes les régions habitées par des Roumains ; 3. Celui du Roumain né en Bessarabie, qui s’intéresse à ce que signifie, pour la politique culturelle et nationale, l’unité linguistique de toutes les régions habitées par les Roumains (cf. Coşeriu 2002 : 125). Ces trois perspectives se croisent et se concurrencent l’une l’autre au niveau du texte.

I. La perspective de la théorie du langage

I.1. Pour examiner la situation de la langue roumaine en République de Moldavie dans la perspective de la théorie du langage, E. Coseriu s’appuie sur les fondements théoriques et philosophiques de sa conception linguistique[5].

Ainsi, il montre que le langage se fonde sur deux principes universaux : la créativité et l’altérité. D’une part, le langage est essentiellement une activité de création, d’autre part, le langage appartient aussi aux autres. Or, étant « également pour d’autres » locuteurs, le langage se manifeste sous forme de langues, définies par le savant comme les formes historiques du langage. Dans cette démarche fondatrice, il fera usage de concepts-clé de sa théorie linguistique, comme langue historique, langue fonctionnelle, langue commune, langue exemplaire, niveaux du langage, etc.

De même, il discutera également les types de variété linguistique spécifiques à toute langue historique, et approfondira des concepts comme la politique linguistique, l’éthique linguistique, l’altérité positive/l’altérité négative, la tolérance, le « masochisme » linguistique, l’altérité et la déontologie du langage, l’altérité et la politique linguistique, l’altérité et l’éthique du langage.

I.2. Coseriu reprend les concepts élaborés auparavant, qu’il nuance et adapte au contexte spécifique de la langue roumaine en République de Moldavie. Tout d’abord, il précise le concept d’altérité et la manière dont il se manifeste dans la politique linguistique et dans l’éthique du parler. Dans ce sens, Coseriu introduit la distinction importante entre altérité positive et altérité négative :

« Pour comprendre le sens de l’éthique et, surtout, de la politique linguistique, on doit d’abord comprendre que l’altérité est tout autant positive que négative ; elle unit et en même temps sépare : par la langue et le parler nous nous reconnaissons nous-mêmes dans les autres, dans ceux qui, d’une certaine manière, parlent comme nous et, en même temps, nous nous opposons aux autres, que nous ne considérons pas comme appartenant à la sphère de notre moi linguistique.» (Coseriu 1997 : 81).

Il interprète ensuite l’altérité en fonction des trois niveaux du langage. Ainsi, au niveau universel, qui, en tant que tel, est apolitique, l’altérité est représentée par l’ensemble de l’humanité qui s’oppose au monde des êtres « non-parlants ». Au niveau historique, l’altérité unit et consolide certaines communautés linguistiques et, en même temps, oppose ces communautés à d’autres communautés, dans le cadre d’une même langue historique, aboutissant même parfois à la constitution d’une communauté linguistique unique. De la sorte, dans une langue historique, l’altérité positive se présente comme une série de sphères concentriques d’altérité jusqu’à la sphère majeure qui correspond à la langue historique : « un parler local s’inclut dans un dialecte, qui comprend plusieurs parlers », « un dialecte s’inclut dans une langue, qui s’oppose à d’autres langues » ou lorsqu’on délimite les langue sur la base de la conscience explicite des sujets parlants (ce qui est souvent insuffisant, car la conscience linguistique explicite des locuteurs peut être, pour différentes raisons, incertaine, voire faussée par une manipulation externe).

Dans ce contexte, remarque Coseriu, le locuteur moyen, conscient de son identité ethnique et doué d’une certaine expérience des contacts interlinguistiques, dépasse souvent les barrières de l’altérité négative entre parlers locaux et dialectes, parce qu’il reconnaît intuitivement l’unité de sa langue historique. Cependant, en règle générale,

« les intellectuels franchissent ces barrières – et ils le font délibérément et en toute conscience – puisque (pour paraphraser une formule marxiste appliquée au parti communiste dans son rapport avec le prolétariat) ils représentent l’« avant-garde consciente » de la nation et de la culture, et ont de ce fait le devoir d’être des « éclaireurs du peuple » également en ce qui concerne la langue. » (ibidem, p. 82).

Pour ce qui est de l’altérité positive, au niveau de la langue historique, celle-ci « se manifeste d’une manière spontanée, par la constitution d’une langue commune pour toute la communauté respective, non pas locale, mais au-dessus des variétés dialectales », puis par la constitution d’une langue exemplaire (standard) au-delà d’éventuelles différenciations géographiques de la langue commune, du moins pour les activités qui concernent l’ensemble de la communauté : éducation (enseignement scolaire et universitaire), administration, politique d’état, information au niveau national (médias), littérature nationale, recherche scientifique, etc.

De même, l’altérité positive se manifeste délibérément par la « culture de la langue », par l’activité de planification visant la constitution et le développement de la langue commune et de la langue exemplaire. Du point de vue de l’éthique de la parole, l’altérité positive se manifeste par la tendance à adapter sa façon de parler, en fonction du niveau d’altérité auquel on se situe : dans la langue commune, si on se trouve au niveau des relations interdialectales ; respectivement dans la langue exemplaire là où son usage s’impose[6].

I.3. Ensuite, E. Coseriu définit l’éthique du langage et l’éthique du parler. Étant une activité libre, le langage contient sa propre déontologie, sa propre manière de devoir-être, ses propres normes, impératives non par pression externe, mais en vertu d’un engagement librement consenti par les locuteurs.

Or,

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